

Je me suis arrêtée, dans la relation que je vous aie faite de ma dernière petite virée italienne, il y a dix jours, à notre visite du marché de Vintimille. Nous pouvons maintenant poursuivre un peu plus en avant. Pour ce faire, il faut d'abord que je vous confesse que le temps n'était pas bien beau, ce jeudi-là, ce qui a généralement le don de me mettre dans un état proche de la grande dépression ( moins grave quand même que celle de 1929, je vous rassure !). Les nuages semblant envisager de gâcher ma journée, j'ai décidé qu'ils ne gagneraient pas la partie et, au lieu d'aller passer l'après-midi à visiter tranquillement les villages de la Riviera italienne, nous avons pris le parti de remonter la vallée de la Roya. La Roya est le fleuve qui se jette dans la mer à Vintimille, après avoir traversé la montagne toute proche en sinuant au milieu de gorges profondes. La route qui longe ces gorges n'est pas mauvaise, et passe à proximité de jolis petits villages ligures pittoresques, un peu hors du temps.
Voyez d'abord le hameau de Fanghetto, à quelques kilomètres seulement de la côte italienne, avec son joli clocher !
Ces villages sont, du côté italien en tout cas, un peu laissés à l'abandon. Les italiens qui rachètent les maisons ne semblent pas très soucieux de restaurer les bâtiments de façon raisonnée. C'est un peu dommage, mais nombreuses sont encore les ruelles où l'on a l'impression que le temps s'est un jour arrêté, il y a bien longtemps...
Personne en vue, le village était tout à nous ! Un moment rare...
Un seul être vivant a daigné se montrer à nous, sphinx montant la garde ...
Après cette petite balade digestive, nous avons poursuivi notre chemin jusqu'à Breil- sur-Roya.
Breil est une bourgade de plus de 2000 habitants, située dans un méandre de la Roya, entre mer et montagne.
D’abord possession des Comtes de Vintimille, Breil passa à la Savoie avec le Comté de Nice. En 1860, Breil fut rendue à la France par le traité de Turin.
Autrefois étape obligée sur la route du sel entre Nice et le Piémont, les influences provençales et ligures y sont toujours bien présentes : Les cultures d'oliviers cotoient les façades aux enduits de couleurs des anciennes demeures qui bordent les ruelles étroites , les peintures murales en trompe l'œil et les arcades qui bordent la place. Un joli mélange, tout en couleurs...
L’église Sancta Maria In Albis a été édifiée au XVII ème siècle. Toute en dorures et en décorations en trompe-l’œil, riche d’un orgue magnifique, fabriqué au départ pour une église royale de Turin et offert ensuite à la cité de Breil, c’est une des églises les plus remarquables de la route du baroque des vallées de la Roya et de la Bévéra.
Le
Breillois mange bien. D'ailleurs, les rues de la ville portent des noms bien engageants. Voyez plutôt ! :
Les habitants de Breil ont , jusque vers 1939, vécu en quasi-autarcie, se nourrissant des produits de leur terroir : Blé, seigle, pommes de terre, olives, vignes, fruits et légumes de toute sorte, tout poussait dans ce micro-climat lié à la confluence des vents alpins d'une part, maritimes d'autre part. Une vache, quelques chèvres donnaient la viande et le lait. Poules, lapins, on avait de quoi manger, à Breil !
Le blé occupait une place prépondérante dans l'alimentation, et les femmes, chaque jour, confectionnaient pâtes, "gnoc", chugéli, quiques et ravioles... Je vous entretiendrai de ces délices petit à petit. Il faut savoir faire durer le plaisir...
Pour aujourd'hui, je vous donnerai la recette de la crichente, une tendre brioche aux arômes de fleur d'oranger, citron et anis vert.
La crichente, a crisenta en breillois (avec un ^ sur le s, mais mon clavier ne veut rien entendre !), est LA pâtisserie de toutes les fêtes breilloises.
D’après l'excellent "Recueil de cuisine breilloise", compilant des centaines de recettes recueillies auprès des anciens par le Cercle Culturel Breillois, on la faisait autrefois « les veilles de Noël, Pâques, Assomption, pour les baptêmes, confirmations, communions, noces, les « coutiz », fêtes de sociétés où chacun apportait sa participation en nature ». Les femmes emmenaient leurs plaques dressées chez le boulanger, qui les cuisait ensuite dans son four.
Cette crichente, je l'ai faite "à l'ancienne", en remisant ma MAP au fond du placard. Il y avait, à mon avis, un anachronisme trop flagrant entre cette recette issue d'un si riche patrimoine culinaire et cet ustensile ultra-moderne ! Mais bien évidemment, chacun pourra la réaliser comme il le sent, sur une planche, dans un saladier ou même avec sa machine :o). L'essentiel sera d'y goûter, pour avoir une petite idée, l'espace d'un instant, de ce que pouvait être un moment de fête, dans ce village encaissé entre mer et montagne, il y a bien longtemps...
La Crichente :
Ingrédients pour 1 plaque de 40 cm/30 cm :
- 600 g de farine de blé
- 120 g de beurre ou ½ verre d’huile d’olive
- 2 cuillerées à soupe de crème de lait ou de crème fraîche
- 120 g de sucre en poudre
- 1 sachet de sucre vanillé
- 1 pincée de sel
- 12 à 15 cl de lait entier
- 2 sachets de levure de boulanger
- 2 cuillerées à soupe d’eau de fleur d’oranger
- 1 pincée de graines d’anis vert
- 1 zeste de citron non traité, râpé.
Préparation :
Faites chauffer légèrement le lait dans lequel on fait dissoudre le sel et le sucre et le beurre ou l'huile d'olive. Incorporez au lait le sucre vanillé et l’anis.
Dans un ramequin, délayez la levure dans 5 cl d’eau tiède.
Prélevez 100 g de farine pour pétrir sur la planche, à la fin.
Versez le reste de la farine sur une grande planche.
Creusez dans la farine deux fontaines, une petite et une grande.
Dans la petite fontaine, versez la levure délayée et mélangez avec un peu de farine pour en faire une pâte molle.
Versez dans la grande fontaine le lait sucré et parfumé, l’eau de fleur d’oranger, la crème de lait (ou la crème fraîche), le zeste de citron râpé et la pincée de sel.
Voyez le beau citron de Menton que je suis en train de râper ! C'est l'un des fruits magnifiques que Michèle, du blog Miechambo, nous a gentiment distribués dimanche dernier, lors de notre rencontre chez Vanessa, à Fréjus. Elle nous a demandé de concocter une petite recette avec, et c'est avec plaisir que je lui présente la mienne.
Après cette petite digression, reprenons le fil, plutôt sinueux, je m'en rends bien compte, de cette recette.
Mélangez avec un peu de farine, comme précédemment, pour faire également une pâte molle.
Puis incorporez le contenu de ces deux fontaines avec toute la farine et commencez à pétrir la pâte. Il vous faudra peut-être rajouter un peu de lait, pour obtenir une pâte souple et douce ...
Formez une boule et continuez à pétrir environ 15 minutes, en malaxant avec ce qu'il faut de la farine réservée que l’on ajoute peu à peu, pour enfariner planche et mains.
Reformer une boule.
Laissez lever la pâte, couverte d’un torchon, dans un endroit chaud et sans courant d’air pendant 1h à 1h30.
Pétrissez à nouveau très légèrement la pâte, pour la faire retomber.
Abaissez au rouleau sur 1 cm d’épaisseur. Etendez-la sur la plaque à peine beurrée, en réservant un petit morceau de pâte pour décorer la crichente. On la roule en petits boudins de 2 mm de diamètre, et on en fait des motifs, des initiales ou des messages que l’on colle ensuite sur la crichente avec un peu d’eau.
On laisse à nouveau lever, la plaque couverte d’un torchon, pour que la pâte redouble d’épaisseur. La pâte a suffisamment levé lorsque, en appuyant sur un coin avec le doigt, le creux obtenu est aussitôt regonflé.
Enfournez dans le four préchauffé à Th. 7.
Cuisez 15 à 25 minutes, suivant votre four et l’épaisseur de votre pâte. Au besoin, tournez la plaque devant derrière à mi-cuisson.
Juste sortie du four, vous pouvez saupoudrer la crichente de sucre glace mélangé à la même quantité de sucre en poudre.
Après Breil, nous sommes remontés vers la vallée de la Bévéra, pour arriver à temps pour le goûter dans la belle ville de Sospel.
Un vieux pont italien enjambe la rivière et relie les deux vieilles villes qui s'étendent de part et d'autre de la Bévera.
Voyez, au bord de la rivière, ces belles maisons aux façades peintes en trompe l'oeil polychromes.
A l'extrémité du pont se trouve un joli palais à arcades du XIIème siècle avec, juste devant une fontaine.
C’est sous ce pont que se sont installées deux néerlandaises, qui ont repris un petit restaurant et en ont fait un charmant salon de thé.
Idéal pour une pause goûter !
Chocolat chaud mousseux,
Lapsang Souchong et cheese-cake délicieux...
Un moment bien agréable, ma foi !
De quoi reprendre quelques forces avant de partir à la découverte du reste de la ville. En repassant le vieux pont, nous rejoignons la cathédrale Saint Michel, un autre haut lieu de la route du baroque Roya Bévera, et son clocher du XIème siècle : A l'intérieur, la splendide "Vierge Immaculée de Sospel", réalisée par François Bréa au XVème siècle, nous accueille.
En ressortant de la cathédrale, sur la place, il fait nuit. Les fenêtres des maisons sont allumées.
Nous repartons, mais la vie ici suit son cours, calme, calme…